jeudi 6 juin 2019

Le silence des photos (11): le Règlement.

Une photo réussie est une photo qui raconte à chacun une histoire, peut être une histoire différente pour chacun. Il y a quelques jours, nous vous invitions à écrire ce que vous disent les photos. Voici un  texte signé Antoine Pélic. Vous aussi, envoyez nous vos contributions.


A défaut de photo, une gravure représentant
(peut-être) Carbon Pelic.
Costume Aurois. Source Loucrup
Le règlement.
L’histoire est ancienne, mais s’est transmise de générations en générations chez les Pélic de Bourisp. Et pour cause : Carbon Pélic, un lointain ancêtre des Pélic en est le héros.
Nous sommes en 1637. Et le tumulte règne dans le village de Bourisp, habituellement si calme. Les âmes pieuses sont excédées. A juste titre! Rendez vous compte ! Le dimanche à l’heure sacrée de la messe, Carbon Pélic, père de famille, entraine les hommes dans l’une des quatre tavernes du village pour des parties endiablées de Truc y Flou et force libations. Et, le croiriez-vous, à l’heure des vêpres, Carbon s’obstine à travailler dans ses prés de Lalanne. Si encore l’orage qui pointe souvent au dessus de Grascouéou menaçait les récoltes, si encore une auroise tentait en vain de se libérer de son veau, si encore la Neste menaçait d’envahir la plaine d’Autun… !
Mais non, rien de tout cela. 
Carbon nargue le curé, il n’y a pas d’autre explication plausible. Incroyable affront fait à la Vierge Noire vénérée ! Après avoir longtemps tergiversé, Agricol Pelacis et Joseph Paularey les consuls du village  convoquent l’assemblée des chefs de famille sur le parvis de l’Eglise pour délibérer de concert juste avant la messe dominicale ainsi qu’il est de tradition à cette époque. Car, croyez le ou non, les habitants des quatre vallées ont, plus d’un siècle avant la révolution qui secoua la France à la fin du dix huitième siècle, adopté la démocratie.
En ce dimanche de juillet 1637, l’on délibère pour que cesse la situation intolérable créée par ce trublion de Carbon Pélic. Un nouveau règlement est instauré, dont les articles deuxième et troisième, toujours en vigueur, marqueront les Bourispois à jamais, articles que l’on se doit de citer sans en altérer aucun des termes:« Secondement que durant les divins offices les tabernes et cabarets du lieu ne seront hantés par les habitants chefs de famille ny par d'autres particuliers a peine de demy livre de cire au proufit de l'églize qui sera exécutée sans support ny modération et sur mesme peine est défendu aux hostes de les y recevoir ny administrer vivres. Troisiesmement qu'il ne sera permis de travailher les jours de festes chomables sans permission de Mr le recteur ou en son absence de ses vicaires à peine d'une livre d'huile pour chasque fois pour le luminaire de l'églize. »
Rédigé avec application le document scellant ces décisions unanimes et solennellement appelé « Règlement » est signé par les consuls et affiché sous le porche de l’Eglise. On a un Règlement, le problème est réglé. Nulle photo n’immortalise l’événement.
Après quoi Monsieur le Curé sert la messe devant les femmes et les enfants du village pendant que Carbon Pélic entraine les deux Consuls et quelques hommes du village vers la taverne la plus proche pour célébrer le calme revenu. Cet après-midi là, Carbon a à faire aux champs, à l’heure des vêpres précisément. 
Antoine Pélic

PS : L’auteur Antoine Pélic atteste de l’authenticité de ces deux articles adoptés par l’assemblée des chefs de famille de Bourisp en 1637 et prie les incrédules de consulter la Bibliothèque Nationale de France : ICI.

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