mardi 4 juin 2019

Le silence des photos (10): l'homme nu du jardin Massey.


Une photo réussie est une photo qui raconte à chacun une histoire, peut être une histoire différente pour chacun. Il y a quelques jours, nous vous invitions à écrire ce que vous disent les photos. Voici un  texte signé Marie. Vous aussi, envoyez nous vos contributions.


L’homme nu.

Photo: Ministère de la culture
Jeanne a 12 ans. Le printemps est chaud à Tarbes en cette année 1900. Jeanne est pensionnaire de l’institution catholique de jeunes filles, dont la sœur directrice est sa tante. C’est dire si Jeanne a un devoir d’exemplarité. N’est-elle pas tenue d’offrir sa poupée, le cœur déchiré et au nom de la charité chrétienne, à cette petite qui n’a rien eu pour son Noël? Le dimanche après les offices, les jeunes filles en rang par trois vont s’aérer au jardin Massey. Bel espace de verdure peuplé de paons, de canards et de promeneurs paisibles, lieu de relative liberté pour ces jeunes filles dont le quotidien n’est que contrainte. Une consigne ferme de sœur Dositée les rappelle soudain à leurs devoirs: « Veuillez baisser les yeux, Mesdemoiselles ». Car le groupe s’approche de l’homme nu, cette statue qui fit scandale, qu’un conservateur zélé affubla d’un caleçon, l’homme nu que ces jeunes filles ne sauraient voir !  Incitation au fantasme, à l’envie irrépressible de regarder, chuchotements et fou rires, réprimandés comme il se doit.


Nous sommes en 1960. Jeanne a grandi puis vieilli. Sa petite fille Marie la vénère. Marie a 10 ans et adore écouter les récits nostalgiques de sa Mané qui lui apporte tant. Et particulièrement l’histoire de l’homme nu du jardin Massey. Marie est une petite fille sage, obligée d’inventer des péchés pour être crédible au confessionnal auprès de Monsieur le curé. L’homme nu, le péché de chair, restent des concepts bien théoriques dans son imaginaire d’enfant. Un jour elle ira voir l’homme nu du jardin Massey.


En ce début du mois de juin 2019, le temps a passé et Marie n’a jamais pris le temps d’aller jusqu’au jardin Massey. Après avoir entendu tant de fois la même histoire de l’homme nu, Antoine a accompagné son épouse Marie jusqu'à la statue interdite. L’homme nu souffle toujours avec force le vent du nord. Marie ne peut retenir ses larmes. Ce n’est pas l’homme nu enfin révélé qui la bouleverse mais le  souvenir de sa grand-mère qui lui a tout donné et qui repose maintenant dans le cimetière de Bourisp.

Marie

2 commentaires:

Simone a dit…

Très beau texte et très beau souvenir !

Denise Dabat a dit…


Marie

Venez nous rejoindre à Bourisp soit Jeudi pour l' atelier ou pour le
diaporama des photos des anciens de Bourisp
si vous pouvez nous vous attendons Marie

Denise