mercredi 22 avril 2020

La véritable histoire de Victoire Donnez

A la fin du XIXe siècle, Victoire Donnez de Bourisp fut récompensée pour sa "belle conduite". Comme annoncé le  27 mars, voici le premier chapitre de l'histoire véritable de Victoire Donnez de Bourisp.

1-  La batteuse


En cette deuxième quinzaine du mois d’août 1877, sur le Prade de Bourisp, la batteuse hydraulique délivre son lot de poussière et de bruit, de cinq heures du matin à la tombée de la nuit. La demande est forte et il ne s’agit pas de perdre du temps. Les cultivateurs de Bourisp, mais aussi de villages voisins, ont des récoltes à battre et les batteuses ne sont pas légion. 

Tableau Mathurin Meheut
La Mousquère, c’est le torrent du village. Il dévale de la montagne dans des gorges profondes depuis le plat d’Arsoué où il récolte les eaux de la fonte des neiges. D’ordinaire paisible, parfois effrayant.

A Bourisp, la Mousquère atteint la plaine et rejoint la Neste, direction l’océan.

Ici, l’eau suinte de partout. Mais ici, on connaît la valeur de l’eau. Eau qui désaltère humains et troupeaux, eau richesse des potagers, eau qui irrigue les champs. Un ingénieux système de canaux d’irrigation permet de verdir les prairies. Leur utilisation est strictement règlementée : chacun sait à quelle heure du jour ou de la nuit il doit
modifier la position des ardoises qui dirigeront les eaux dans ses parcelles pour quelques heures, avant qu’un voisin à son tour, ne repositionne les courants.

Pas moins de quatre moulins et une scierie sont alimentés par les eaux de la Mousquère à Bourisp. Pour éviter les caprices de la Mousquère dont les crues, le plus souvent au printemps, sont redoutables, une dérivation a été établie à l’entrée du village. Et c’est un petit canal qui alimente les moulins, rue … des moulins précisément. Son travail de force accompli, l’eau se répand dans les prairies.

Transformer le courant en force motrice est simple : l’eau entraîne une sorte de roue à aubes et, par un jeu de poulies et de courroies, active les scies dans les scieries, les roues dans les moulins et les battoirs de la batteuse.

La batteuse hydraulique de Bourisp est disposée sur la Prade, au bord du canal de dérivation comme il se doit. Son propriétaire, meunier et menuisier de son état, fournit la batteuse et un homme de conduite. Pour le reste, c’est le cultivateur qui vient battre ses gerbes qui mobilise famille et amis pour apporter les gerbes (la veille) et décharger, alimenter la machine, recueillir la paille, mettre le grain en sacs… C’est ce même cultivateur qui fournit à la nuit tombée victuailles et boissons pour remercier tout le monde et fêter comme il se doit l’aboutissement d’une année de labeur.

Le battage autour de la batteuse hydraulique est une occasion d’être ensemble, de plaisanter, de s’entraider et de se soutenir, de faire la fête aussi. Occasions qu’on aime à renouveler en d’autres saisons, pèle-porc par exemple.

Ce 23 août 1877, la batteuse tourne à plein régime, la poussière colle à la sueur des hommes. Les bouteilles sont au frais dans le courant de l’eau du canal, car ici, même au cœur de l’été, l’eau reste fraîche et limpide. Aujourd’hui c’est Jean Soulé qui bat son blé. Il est seize heures. La femme de Jean circule  autour de la machine pour servir un verre de vin frais aux hommes au labeur. Jeanne-Marie est enceinte, l’accouchement est pour bientôt. Elle est vêtue d’une robe légère comme il convient en ces temps de grosses chaleurs.

La machine tourne et vibre et claque dans un bruit d’enfer. Un homme, occupé à éviter le bourrage de la machine, tourne le dos à Jeanne-Marie. Elle s’approche pour l’inviter à se désaltérer.

2 commentaires:

filou a dit…

Bonjour,
Je m’intéresse au dispositif de rigoles qui existait sur la lande de Guchan et dont il est fait état dans cet article.
Auriez-vous des infos complémentaires ?
Merci

JDR Bourisp a dit…

Non Filou, pas d'infos particulières mais beaucoup de personnes encore présentes à Bourisp en ont un souvenir précis. A l'occasion, on pourra en parler
JDR