jeudi 18 juillet 2019

Je me souviens (7): Dédé

Jeudi 11 juillet, dans un environnement de cent photos de Bourisp au siècle dernier, chacun s'est attaché à écrire ses souvenirs lors d'un atelier d'écriture animé par Marie-Claude. Ce sont ces productions que nous vous présentons chaque jour. Voici un texte de Daniel.



Tours de France

J'espère que chacun apprécie à sa juste valeur l'exploit que nous accomplissons.
Alors que les coureurs s'échinent à voir le Tour en Vosges, nous, nous élançons à corps perdu dans la descente vertigineuse de nos souvenirs.
Gare à la chaussée, surtout si elle est humide !
Humide, le Tour l'a été plus qu'une fois, surtout dans les Pyrénées et je me souviens d'un maillot jaune trempé qui essayait en vain d'escalader l'Aspin.
Dans le brouillard qui s'était abattu, n'aurait-il pas croisé, en sens inverse à Ste.Marie de Campan, celui qui cherchait désespérément un forgeron pour réparer la fourche de sa roue ?

Mes souvenirs sont confus, ces temps ne sont plus les mêmes...
C'était un temps où l'oreille rivée au transistor, nous écoutions la voix de Georges Briquet qui nous faisait vibrer les dix dernières minutes de l'étape.
Mais il n'était pas seul. La technique avait fait bien des progrès et Robert Chapatte pouvait donner la situation des coureurs, cramponné au siège arrière de sa moto.
Comment cela était-il possible ? L'ORTF nous émerveillait et nous n'avions qu'une hâte : se précipiter sur les routes des Alpes pour admirer Louison, Jacques, Frederico et Charly.
Mais souvenez-vous, notre préféré, notre chouchou, c'était Dédé !
Dédé Darrigade bien sûr qui, lancé par Anquetil, faisait la pige à tous ces malotrus de Flamands qui, sous prétexte qu'ils voyaient la vie en rose sur leurs terrils, prétendaient avoir un droit au sprint sur notre Landais !
Pauvres gars du Nord qui rougissaient sous le soleil des Alpes et maudissaient nos organisateurs d'avoir l'idée saugrenue de les faire passer au sommet de l'Izoard.
Vous avez dit : au sommet ? 
Rappelez-vous : c'était 58, Kopa allait être sacré meilleur joueur de la Coupe du Monde avec Didi le Brésilien.


Et nos yeux scrutaient le petit écran. Personne n'y voyait rien. Le sommet du Ventoux était écrasé par la brume. Le géant de Provence allait marquer une des plus belles pages du Tour.
Voilà le contre-la-montre dantesque qui doit désigner le vainqueur.
La ligne d'arrivée attend. Les minutes paraissent des heures. Le reporter égraine des noms... Quand, soudain un petit homme, un petit Luxembourgeois surgit dans le dernier virage. Il semble voler au-dessus de la route alors que la pluie torrentielle de juillet s'abat sur le mont chauve.C'est lui qui va gagner ici et là-bas à Paris, à la Cipale.
Ce jour-là, je me souviens, Charly Gaul est entré dans la légende.

Et puis, je me souviens, les casques ont remplacé la casquette dont la visière couvrait la nuque. Les maillots aux mille couleurs se sont substitués aux vieux marcels tout boudineux et surtout notre vieil ami Jean Hassenforder n'aurait plus le droit de s'arrêter à la fontaine pour y faire trempette alors que Robic marquait une pause pour s'attabler une minute à la la terrasse d'un café !
Nous sommes entrés dans un autre monde.

Daniel S.

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