samedi 20 juillet 2019

Je me souviens (9): Vacances chez tonton Jean

Jeudi 11 juillet, dans un environnement de cent photos de Bourisp au siècle dernier, chacun s'est attaché à écrire ses souvenirs lors d'un atelier d'écriture animé par Marie-Claude. Ce sont ces productions que nous vous présentons chaque jour. Voici un texte de Bernard.

Vacances chez tonton Jean
Je me souviens des vacances chez Tonton Jean. Enfant, j’étais un petit citadin. Oh ! une petite ville mais je n’appartenais pas à ce que nos technocrates appellent maintenant le monde rural.

Alors pour moi, la St Jean passée, partir en vacances chez Tonton Jean, c’était presque changer d’hémisphère. Tonton Jean était le frère de mon grand-père. Il était doux, très gentil, toujours souriant et exploitait une petite ferme dans le bas d’une vallée des Pyrénées. 

Il m’amenait avec lui garder les vaches. Elles avaient toutes un nom : la Casta, la Carline, la Roussette, etc…. J’apprenais à les conduire, à les faire marcher sur le côté de la route en allant au pré même si la circulation était alors rare sur ces petites routes de campagne. Il me montrait les plantes, les arbres, les oiseaux. J’étais même arrivé à savoir commander le chien : « biro dessus ! », « passa darré ! », « toca la ! ». Ce fut plus difficile d’apprendre à traire.


J’aimais aussi explorer les différentes parties de la ferme et observer ces choses si différentes de mon quotidien : les poules avec leur pas saccadé et les poussins, les lapins dans leur lapinières (« clapier » était là un mot inconnu), le cochon, mais ça sentait mauvais et ses grognements m’intimidaient. Paradoxalement, bien que plus grosses, les vaches me faisaient moins peur. J’aimais rêvasser à l’’étable, bercé par le cliquetis de la chaîne qui les attachait, intrigué par le mouvement incessant de leurs mâchoires alors qu’elles avaient fini de brouter depuis longtemps, séduit par leurs grands yeux paisibles, qui semblaient, comme a dit le poète, perdus dans un rêve qui ne s’achève jamais.

Il n’y avait alors que 2 interdictions : soulever le couvercle du puits (mais il était fait de lourdes planches et je n’aurais pas été capable de les soulever) et monter au grenier à foin. Son plancher aux planches mal fixées et mal jointes était incertain, le foin pouvait dissimuler la traîtrise d’une crevasse. Et la trappe d’accès, au sommet d’une échelle bien raide n’était pourvue d’aucun parapet. Non plus d’ailleurs que les trous ménagés au-dessus des râteliers et par lesquels on faisait tomber le foin pour nourrir les vaches.

Un beau jour cependant, motivé par un jeu de cache-cache avec d’autres cousins venus passer un dimanche, je m’enhardis à braver l’interdiction. Grâce à elle, on n’aurait pas l’idée de venir me chercher là-haut. Mais, mal informé des pièges de l’endroit, je me laissai surprendre par un trou et me retrouvai sur le dos, les pieds plus hauts que la tête, coincé dans le râtelier de la Casta. Du foin que j’avais entrainé dans ma chute me piquait partout. Dans cette position inconfortable, je n’arrivais pas à me rétablir et à me délivrer. Paniqué, je me mis à hurler, provoquant l’émoi dans la maisonnée : on me cherchait, mais j’étais dissimulé par le foin. On ne me trouvait pas à l’étable ! on ne me trouvait pas au grenier ! J’allais mourir là… Bien sûr on finit par me trouver et me libérer. Il m’avait semblé que cela avait duré des heures.

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